Cruel été pour le poker en ligne français
L’été 2012 aura été cruel pour le poker en ligne français et confirme les pires scénarios prédits par les plus pessimistes il y a deux ans lorsque le marché des jeux en ligne français s’ouvrait à grandes pompes. Les fermetures récemment annoncées par Winga, Chilipoker, Titan, Tranchant et la décision de Poker Leaders de finalement ne pas se lancer sur le marché sont comme des clous enfoncés un par un et avec une inéluctabilité attristante sur le cercueil de l’igaming en France.
Comme dans tout marché s’ouvrant à la concurrence, le terme ‘ouverture’ est assez bizarre lorsque l’on considère que la France était un marché très actif bien avant mai 2010 – après une période d’effervescence lors de laquelle un nombre de nouveaux entrants tentent de développer leur activité, il y aura toujours une période de consolidation comme celle que nous traversons à l’heure actuelle.
D’autres facteurs ont pesé dans la balance, tels le manque d’activité de la part des réseaux Playtech et Microgaming ou d’opérateurs importants comme 888, comme le mentionnait Georges Djen de Poker Xtrem dans une interview récente, 888 a une fois de plus confirmé le désintérêt de la société pour le marché français en des termes qui ne laissent aucun doute sur les raisons de son profil bas : « Nous n’avons aucun plan de retrait du marché, cependant les conditions actuelles ne nous intéressent pas. Nous attendons un système de taxation réaliste, » a déclaré Gareth Edwards, directeur marketing de 888 au site Pokernews.
En ce qui concerne Playtech, le manque d’intérêt du réseau pour le marché est d’autant plus singulier que le groupe israélien possédait des sites importants en France pré-régulation, tels, justement, Titan Poker, William Hill ou Poker770. Clairement il a d’autres priorités mais ses accords avec SISAL ou Cogetech en Italie ces dernières années et l’allemand Merkur Interactive cette année montre qu’il est un deal maker de premier ordre et les parts de marché conséquentes de ses sites avec un focus français pré-mai 2010 auraient pu en faire un acteur important dans un environnement régulé.
Au niveau des sites survivant en France, il faut être reconnaissant de la performance de Winamax, des poches profondes de Betclic Everest, de la Française des jeux et du Groupe Lucien Barrière et espérer que Barrièrepoker.fr réussisse son pari. Il faudrait aussi que bwin party se concentre un peu plus sur son offre poker plutôt que de s’en prendre à PokerStars (en .com surtout) pour tout ses maux et problèmes au niveau poker. Quant au leader mondial du secteur, la résolution de ses négociations avec le Département de justice américain demeure la clé de voute de son dispositif, notamment si son fondateur Isai Scheinberg arrive à éviter toute possibilité de peine de prison.
Quant au législateur français, il est dommage qu’il n’ait pu offrir la revoyure tant espérée par le secteur à la fin de 2011 et qui a vraiment plombé l’humeur et les prospects du secteur, d’autant plus que la nécessité d’une modification de l’assiette fiscale est tellement évidente qu’il ne semble même plus nécessaire de l’expliquer. Les appels pour un partage des liquidités européennes vont aussi prendre une plus grande ampleur dans les mois à venir au fur et à mesure que les sites (les plus grands comme les plus petits) .fr, .es ou .it continuent de souffrir du système de régulation par marché individuel, avec tous les frais et charges que cela engendre.
Cela dit, une fois la consolidation actuelle terminée, même si celle-ci ressemble parfois plus à une purge, et que les quelques opérateurs restants sont confirmés, la France et ses acteurs principaux du jeu décideront sans doute de modifier l’assiette fiscale (avec deux ou trois années de retard) pour avoir ce qu’ils désiraient depuis le début, un marché structuré avec 6 ou 7 opérateurs majeurs. Ce qui est tout de même navrant pour ce qui est de la diversité et l’effervescence du marché.
Comme le déclarait un dirigeant d’un site de poker important peu après la régulation lors d’une conférence vantant la santé du secteur en France : « C’est bien gentil de nous dire qu’on est bonne santé et que les mises grimpent, mais quand on ne génère pas de bénéfice ça ne sert pas à grand chose ! »