Poker : Seuls les joueurs professionnels seront taxés, mais quels seront les critères pour décider de leur statut ?
Le Ministère du budget a confirmé il y a un peu plus d’une semaine que seuls les joueurs de poker gagnant leurs vies de « manière professionnelle » seront taxés sur leurs gains. Pour l’avocat Alexandre Diehl, il sera intéressant de voir sur quels critères les autorités se baseront lorsqu’elles décideront du statut de chaque joueur.
Une réponse ministérielle du 15 novembre 2011, à la question parlementaire de Madame la Députée Aurélie Filippetti, rappelle la position de l’administration fiscale et la conforte : les joueurs amateurs verront leurs gains exonérer d’impôts tandis que les professionnels seront taxés.
Cette question a été posée dans un contexte où la fiscalité des gains au poker revient fréquemment depuis l’ouverture du marché. En effet, plusieurs rumeurs puis jurisprudences ont jeté le doute sur cette éventuelle imposition.
La doctrine administrative précise depuis bien longtemps que « La pratique, même habituelle, de jeux de hasard tels que loteries, tombolas ou jeux divers, ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de profits devant donner lieu à imposition au nom des personnes participant à ces jeux ». Les profanes et amateurs sont donc certains de voir leurs gains exonérés.
Mais plusieurs jurisprudences ont jeté le doute sur les joueurs ‘professionnels’ ou apparentés. Ainsi, la réponse ministérielle éclaircit la règle en précisant désormais clairement que « les gains réalisés par les joueurs professionnels dans des conditions permettant de supprimer ou d’atténuer fortement l’aléa normalement inhérent aux jeux de hasard ».
La question de savoir si le poker est un jeu de hasard ou un art est donc toute entière d’un point de vue fiscal. Cet été, nous commentions ensemble ici-même un arrêt du Tribunal de Grande Instance de Toulouse qui a détaillé son raisonnement pour aboutir à la conclusion que le poker ne peut être qu’un jeu d’adresse.
Pour rappel, plusieurs prévenus ont comparu pour organisation illicite d’une maison de jeux de hasard et risquaient la prison à ce titre. Sans contester les faits, les prévenus (dont un professeur de bridge) ont prouvé aux juges que le poker n’est pas un jeu de hasard et donc que le poker n’est pas couvert par l’interdiction de jeux de hasard. Le Tribunal a accueilli cette argumentation.
Cette jurisprudence de cet été a donc connu très rapidement une issue fiscale : la réponse ministérielle précise ainsi : « Cette position [ie, l’absence d’aléa] est pleinement applicable à la pratique habituelle du jeu de poker, y compris en ligne, dès lors que le jeu de poker ne peut être regardé comme un jeu de pur hasard et sous réserve qu’il soit exercé dans des conditions assimilables à une activité professionnelle ».
Seuls les joueurs jouant au poker de « manière professionnelle » seront donc taxés sur les gains.
Cette information, qui était palpable depuis longtemps (et appliquée dans le monde du « dur » pour les joueurs professionnels de poker), est donc aujourd’hui pleinement confirmée.
Cependant, les niveaux de gains diffèrent tellement selon chaque joueur qu’il sera intéressant de voir sur quels critères les autorités se basent lorsqu’ils feront leurs demandes d’impôts.
En fait, un joueur qui ne joue que le soir pour un montant de gains annuel de 30,000€ peut-il être considéré comme un professionnel ? Ou est-ce plutôt le montant qui est d’une importance suffisante pour qu’il soit considéré comme taxable ?